En parallèle de la grande exposition qui se déroule aux Galeries nationales du Grand Palais jusqu’au 2 février 2009, le musée d’Orsay propose une exhibition de moindre envergure intitulée : « Picasso / Manet, Le déjeuner sur l’herbe », sur le thème des interprétations de la célèbre toile de Manet par Picasso. Pour ce faire, plus d’une quarantaine de tableaux, dessins, gravures et maquettes réalisés par Picasso entre 1954 et 1962 sont exposés. De son côté, le musée du Louvre accueillera au même moment « Picasso / Delacroix , les variations sur les Femmes d’Alger de Delacroix ».
En 1863, Edouard Manet, signe Le déjeuner sur l’herbe. Cette peinture peut être interprétée comme une version moderne de la toile : Le concert champêtre (vers 1510) de Titien, une œuvre longtemps attribuée à son maître Giorgione, que Titien aurait terminé à la mort de ce dernier. Manet reprend le quatuor initial, dans lequel son modèle préféré, Victorine Meurent, pose pour la femme nue. L’homme sur la gauche étant probablement le beau-frère de Manet, Rodolphe Leenhoff, le second restant inconnu.
Lors d’une rétrospective de l’œuvre de Manet en 1932 au Musée de l’Orangerie, Picasso remarque le tableau et écris certainement, à ce moment là, au dos d’une enveloppe présentée dans le cadre de l’exposition : « Quand je vois le déjeuner sur l’herbe de Manet, je me dis des douleurs pour plus tard. » En 1954 Picasso, débute un long travail qui donnera le jour à plus d’une centaine de tableaux, de gravures et de dessins, qui sont autant de variations autour du chef d’œuvre de Manet.
L’exercice de lecture est donc clef dans cette exposition, et la question de l’ interprétation des histoires picturales que Picasso érige à partir de la toile de Manet, se pose avec une acuité croissante pour le visiteur. Les tableaux de Picasso marquent des périodes, des moments, et apparaissent comme des séries de variations. A la mesure de ces déclinaisons, les rapports des personnages entre eux se transforment, certains prenant l’ascendant alors que d’autres disparaissent.
En 1867, Zola défend le tableau de Manet, décrié en soulignant: « Ce qu’il faut voir dans le tableau, ce n’est pas un déjeuner sur l’herbe, c’est le paysage entier, avec ses vigueurs et ses finesses, avec ses premiers plans si larges, si solides, et ses fonds d’une délicatesse si légère ; c’est cette chair ferme modelée à grands pans de lumière, ces étoffes souples et fortes, et surtout cette délicieuse silhouette de femme en chemise qui fait dans le fond, une adorable tache blanche au milieu des feuilles vertes, c’est enfin cet ensemble vaste, plein d’air, ce coin de la nature rendu avec une simplicité si juste ».
L’idée du plein air chère à Zola ne sied pas à Picasso. Les quatre personnages initiaux, Victorine, le causeur, l’homme, la baigneuse à la chemise, sont repris ; mais pour ce dernier, le déjeuner sur l’herbe est avant tout mise en scène. Pour cette raison, sous son pinceau les personnages changent de place, de physionomie, de rôle aussi. Victorine, le nu de Manet, se métamorphose, tantôt grosse, tantôt maigre, elle apparaît en juin 1961, sous les traits de Jacqueline, la compagne de Picasso. Elle est nu, femme, allégorie de la peinture, œuvre en mutation, matière mouvante renaissant sans cesse au gré des humeurs du peintre. Elle se trouve dans la plupart des scènes en communication directe avec l’homme dit le causeur, une représentation possible du peintre, dont les attributs, la canne et le chapeau, à quelques exceptions prés, le différencient dans chacune des toiles. Enfin alors que le deuxième personnage masculin, qui incarnerait pour certain le spectateur, prend une moindre place, jusqu’à disparaître totalement ; la seconde baigneuse tend à se rapprocher des deux personnages de premier plan.
Picasso, poursuit la mise en abyme, allonge un des deux hommes en référence directe aux baigneurs de Cézanne.
L’importance des concepts de variations et de correspondances est telle que l’on aurait peut-être souhaité que l’exposition mette davantage en perspective ces aspects là. On aurait en effet aimer, contempler : Le concert champêtre de Titien, ou encore : Le déjeuner sur l’herbe de Monet, réalisé en 1865, en réponse à l’œuvre de Manet.
Mais n’oublions pas, il est vrai, qu’il était avant tout question de l’œuvre de Picasso…
Picasso / Manet : Le déjeuner sur l’herbe.
9,5 – 7€
Musée d’Orsay Mardi – Dimanche / 9.30 – 18.00 / 21.45 le jeudi
Merci pour ce commentaire critique,nourrit d’explications, qui aide à comprendre l’exposition !
Merci à vous, pour ce commentaire aussi…
merci bcp pour ce travail ! il m a beaucoup aidé